accueil -- membres - les séminaires - textes théoriques - nous contacter@ -- poésie/liens

Philippe BOOTZ

 

La lecture inassouvie


Cet article a été proposé à si loin, si proche. il n'est donc présent sur le site que de façon transitoire.


1 Une donne maldonne.
1. 1 Comment faire de la philosophie de bistrot avec de la philosophie et de la technique ?


Lorsqu'il a été question sur la liste e-critures de compiler un ensemble de travaux autour du thème " si loin, si proche ", je me suis dit que c'était là, certainement, une excellente occasion pour aborder en profondeur la question de la position qu'accorde ma démarche au lecteur. C'est donc d'un strict point de vue d'auteur que je traiterai ce sujet, en laissant au besoin une large place à la nécessaire philosophie de bistrot. J'aborderai en effet cette question, une fois n'est pas coutume, par le côté philosophique et non, comme à mon habitude, par le côté technique, sachant pertinemment que je ne suis pas armé pour cela. Qu'importe.
Il est évident qu'en littérature programmée, chaque auteur est tenu de prendre position face à l'opacité que crée, pour le lecteur, le dispositif informatique, et plus spécifiquement le dispositif procédural. Il s'agit bien d'un fait inhérent à la structure technique de ce système, et quiconque s'aventurerait à programmer une œuvre en l'oubliant risquerait fort de se tromper de dispositif. La question est manifestement actuelle, elle vient d'être abordée à peu près par tout le monde lors de la toute première réunion du collectif Transitoire Observable.
On ne peut s'empêcher de penser aux thèses de Walter Benjamin lorsqu'on aborde ce thème vaste du si loin si proche et, l'esprit vagabondant, ces thèses entrechoquent celles que Maria Costa avance à propos du sublime technologique.
Walter Benjamin oppose la valeur cultuelle des œuvres à leur valeur d'exposition, en lisant l'impact, dans l'art, de l'introduction des techniques de reproduction mécanique comme une dépréciation de la première par rapport à la seconde. La définition qu'il donne de cette valeur cultuelle de l'œuvre est particulièrement intéressante : il la définit comme " un lointain, si proche soit-il ". La valeur d'exposition, à l'inverse, augmente avec la consommation de l'œuvre parce qu'elle est liée à l'habitude que le spectateur s'en fait à travers les reproductions, habitude qui lui permet de jeter sur elle tout à la fois un regard d'expert et de consommateur. Mario Costa, quant à lui, discerne dans l'introduction des technologies de communication quatre stades qui modifient radicalement la valeur de l'œuvre d'art, le beau cédant la place devant le sublime technologique. Le mot sublime est ici pris dans son sens kantien d'inassimilable, " d'absolument grand ".
Mario Costa affirme dans son essai que ce " sublime découle d'une crise du symbolique, induite par quelque chose qui ne peut être dit ni mis en forme " et que " cette condition n'a rien à voir avec l'œuvre d'art, qui s'identifie toujours à un univers déjà exprimé et déjà formé ". Il en déduit que, " dans la production technologique, l'art est de moins en moins représentation et de plus en plus présentation, ce qu'il présente n'[étant] plus la vérité ni le signifié mais les signifiants et leur logique objective ou technologique " . Cette mutation, pour
Mario Costa, modifie profondément les conditions de création et de réception en même temps qu'elle déplace la fonction et la figure de l'artiste. Pour lui, celui-ci ne doit " plus s'exprimer ou donner forme aux significations humaines, mais créer des dispositifs de communication dans lesquels notre dimension ultrahumaine [d'organisme planétaire, pour reprendre le terme de Pierre Teilhard de Chardin], se dévoile progressivement " . Mais c'est surtout le fonctionnement de la réception qui éclairera notre propos. Il l'analyse à partir des images de synthèse, mais sa conclusion me semble pouvoir être généralisée. Mario Costa commence par énoncer que les deux caractéristiques fondamentales de l'image de synthèse sont " l'aséité" et l'autonomie. C'est la prise de conscience, lors de la réception de l'œuvre, de sa nature " d'entité en soi ", qui déclenche l'expérience du sublime. Mario Costa reprend la description de Kant sur ce sujet. Il nous dit : " Examinons mieux comment cela se produit. Deux opérations sont nécessaires au fonctionnement de l'imagination : l'appréhension du multiple dans l'intuition empirique et la compréhension de l'unité du multiple, c'est-à-dire de la forme de l'objet. […] Dans le sublime, l'équilibre entre appréhension et compréhension est rompu : l'appréhension progresse vers l'infini […] et la compréhension est contrainte de s'arrêter puisque, écrit Kant, " il y a ainsi dans la compréhension un maximum qu'elle ne peut dépasser ". L'imagination doit donc reconnaître son impuissance, puisqu'elle ne réussit pas à réduire la multiplicité en unité, c'est-à-dire à ramener à la forme ce qui, par essence, excède toute mesure. " On remarquera que la terminologie utilisée de l'unité et du multiple et surtout la façon dont Mario Costa l'emploie, définit ipso-facto la réception (pour nous la lecture) comme une activité complexe au sens de Morin. On retrouve en effet à l'œuvre dans ces propos le raisonnement dialogique complexe qui permet de faire cohabiter des contradictoires. Il importe de ne pas oublier ce caractère complexe des systèmes manipulés par l'activité artistique NTIséquement technologique.

1. 2 Des " si loin si proche " communs.

On peut aisément comparer les conceptions développées par Benjamin et Costa en s'appuyant sur la dichotomie du lointain et du proche. La valeur cultuelle de Benjamin est clairement affirmée comme une perception du " si loin " de l'œuvre. On peut, en opposition, comprendre la valeur d'exposition comme une perception du " si proche " de la même œuvre. En effet, en nous souvenant que l'habitude est pour Peirce le mode de compréhension des signes, la valeur d'exposition de Benjamin augmente avec la compréhension peircéenne qu'on a de l'œuvre. Or, la compréhension est une intériorisation et cette habitude, au sens peircéen du terme, est bien à la fois compréhension et destruction de l'altérité du signe. Walter Benjamin reste donc au niveau sémiotique et considère, somme toute, le déplacement de la position de l'œuvre par rapport au récepteur, liée à la fois au sens et à l'usage social de l'œuvre, dans un rapport si loin/si proche.

La position de Mario Costa fait également appel à ce couple si loin/si proche, mais pas selon une opposition. La sensation du sublime est liée à une prise de conscience de l'altérité, de l'impossible intériorisation. Elle s'oppose en cela à la valeur d'exposition sans pour autant découler d'une valeur cultuelle. Elle est bien, tout comme cette dernière, liée à un éloignement ontologique de l'œuvre, elle est donc causée par un " si loin ", même si la nature de la sensation est liée à un " si grand ", mais alors que l'œuvre, dans sa valeur cultuelle, peut apparaître proche, elle reste perçue comme inassimilable, non intériorisable et donc infiniment éloignée dans la sensation du sublime. En remplaçant la valeur d'exposition par une valeur de présentation, Mario Costa n'offre au récepteur aucun moyen d'annuler la distance ontologique qui le sépare de l'œuvre ! La présentation n'annule pas un " si loin ", et pourtant elle est bien un " plus proche " : la présentation rapproche ce qui est éloigné. Chez Benjamin ce rapprochement annule l'éloignement, chez Costa il le rend perceptible. Voilà bien la différence. Il est donc important, pour comparer les notions, d'ajouter les caractères perceptifs aux caractères ontologiques. Autrement dit, la position du récepteur intervient autant que la nature de l'œuvre dans les " valeurs " ou caractéristiques de l'œuvre. Cela n'est pas pour nous surprendre ; toute la théorie du modèle procédural va dans ce sens, que ce soit par la prise en compte de la " profondeur de dispositif ", par la théorie du " texte lié " ou celle des " machines de monstration ".
On pourrait donc utiliser le couple loin/proche pour définir dans un vocabulaire commun ces notions :
- Parler d'une valeur cultuelle de l'œuvre revient à la définir comme un si loin, si proche soit-il, perçu comme un si loin.
- Prendre en compte une valeur d'exposition revient à définir l'œuvre comme un si proche, si loin soit-elle, ce si proche étant perçu comme intériorisable. Le " si loin soit-elle " renvoie bien à l'existence d'une valeur cultuelle à laquelle ce si proche s'oppose.
- Concevoir un sublime technologique revient à considérer l'œuvre comme un " tellement loin " qu'il en est irraprochable.
- La présentation s'oppose à l'exposition en ce qu'elle ne déplace pas l'œuvre sur un axe de valeur ou d'intériorisation qui passe par le récepteur, elle n'annule pas la distance ontologique de l'œuvre, mais utilise le rapprochement spatio-temporel pour rendre perceptible cette distance. La valeur de présentation reviendrait ainsi à utiliser un si proche physique pour mieux faire sentir un si loin ontologique.


2 La présentation comme modalité de la représentation.
2. 1 Le système procédural à lecture privée opère un déplacement.


A y regarder de plus près, pourtant, ni l'un ni l'autre ne me semblent réellement parler du dispositif procédural à lecture privée que j'utilise et qu'utilisent d'ailleurs de très nombreux auteurs et artistes. Ce dispositif technique comprend, rappelons-le, deux ordinateurs au moins : celui (ou ceux) sur lequel l'œuvre est créée et celui sur lequel elle est lue dans une situation de lecture donnée. Ce dispositif est tout à la fois un dispositif de communication et de reproduction mécanique. La situation de l'œuvre, de l'auteur et du lecteur ont donc quelque chose à voir avec les deux conceptions proposées.

Nous voici ainsi confrontés à un paradoxe proprement complexe : comment faire coexister dans l'œuvre une valeur de représentation qui tend à annuler la distance ontologique, et une valeur de présentation qui tend à l'affirmer ? L'œuvre est-elle, finalement, représentation d'un " déjà formé, d'un déjà dit ", ou présentation d'un indicible ?

2. 2 Un séisme de valeur 3 sur l'échelle de Costa.

Pour répondre à ces questions, il convient de tenter de placer ma démarche, et celles qui utilisent le dispositif procédural, sur l'échelle de l'implication des technologies de communication présentée par Mario Costa.
L'analyse est rapide à faire. On en conclut aisément que les démarches que nous avons poursuivies en littérature électronique dans L.A.I.R.E. puis actuellement dans Transitoire Observable, sont situées au troisième niveau de l'échelle de Costa . Ce niveau arrive juste avant l'esthétique de la communication qui en est le quatrième. La différence fondamentale entre les deux est liée au poids de la communication et de la fonction expressive du dispositif. Au quatrième niveau, " il ne s'agit plus de repérer les formes esthétiques spécifiques aux technologies de communication, mais de thématiser directement les réseaux et les chaînes en les soustrayant à leur fonction expressive, et en les employant, dans leur essence de dispositifs technologiques de communication à distance, à la réalisation d'événements esthético-anthropologiques d'un tout nouveau genre " . Or, la plupart d'entre nous travaillons à la recherche de formes esthétiques spécifiques ou de modes d'écriture particuliers. C'est le cas de Tibor Papp, avec, par exemple, ses logo-mandalas, d'Alexandre Gherban avec ses études de formes comme celle de l'auto-générateur de mots virtuels, de mon poème à-lecture unique ou de ma recherche sur le générateur adaptatif. De telles entreprises ne peuvent être comptées comme esthétique de la communication car elles ne se contentent pas d'utiliser le dispositif technique dans sa spécificité de dispositif de communication à distance. Le niveau trois, en revanche, semble bien rendre compte de nos démarches. A ce niveau, " il s'agit de créer des produits esthétiques possédant les mêmes ressources linguistiques que les technologies de communication qui les véhiculent, produits capables d'utiliser la spécificité technologique des chaînes en tant que matière expressive propre. […] Lors de la troisième phase, celle de la recherche des formes esthétiques de la technologie, la production échappait déjà à la volonté d'expression, à la subjectivité de l'artiste."
L'utilisation du verbe " échapper " est importante. Elle est une conséquence de l'autonomie de l'œuvre : que l'auteur le veuille ou non, le processus observable par le lecteur échappe de façon plus ou moins importante à la volonté d'expression subjective que cet auteur a insufflée dans son programme. On sait comment cela a pu se concrétiser par le passé. Par exemple, la fidélité à une esthétique de surface s'est avérée incompatible avec le maintien de la lisibilité lors de l'évolution diachronique naturelle des premières œuvres animées programmées dans L.A.I.R.E. et il a fallu les reprogrammer sur des bases radicalement différentes, en acceptant de déléguer à la machine une certaine responsabilité expressive. Ce fut le point de départ de la recherche des techniques d'écriture du générateur adaptatif. Cette délégation expressive à la machine se trouve, bien sûr, relayée dans les œuvres interactives par une délégation au lecteur. Mais il importe de bien comprendre que l'interactivité n'est pas la cause de cette délégation, mais une de ses modalités. La cause profonde de cette autonomie réside dans la double nature du dispositif procédural, tout à la fois système de communication par flux et reproducteur mécanique temps réel d'un processus génératif. Cette double nature, comme nous allons l'analyser ci-dessous, constitue en réalité un profond séisme dans la belle échelle linéaire décrite par Mario Costa.

3. 3 L'œuvre procédurale : un être-en-soi sans aséité.

Mais revenons sur ce terme " échapper ". Échapper n'est pas abdiquer. C'est la distinction fondamentale, me semble-t-il, entre " l'esthétique de la frustration " caractéristique de nos démarches et l'esthétique de la communication. Nos démarches n'abdiquent pas la représentation devant une mise en fonctionnement, mais utilisent la communication comme une des modalités de la représentation. Tout simplement parce qu'il ne saurait y avoir programmation sans représentation, sous forme de modélisation, du résultat escompté. Ainsi, même si l'autonomie de l'œuvre nous a appris que cette représentation est tronquée, voire erronée, en tout cas limitée, elle existe quand même et agît au sein du processus d'exécution de façon plus ou moins conflictuelle avec la volonté technique qui l'encapsule et/ou avec celle du lecteur. L'œuvre procédurale apparaît ainsi douée d'autonomie mais pas d'aséité. Elle en demeure néanmoins, de par cette autonomie, perçue comme un " être en soi " que d'aucuns n'hésitent pas à comparer, voire assimiler, à un être vivant. Disons tout de suite qu'il n'est nul besoin d'aller jusqu'à cette interprétation, qui pour moi demeure métaphorique, pour identifier cet être en soi. La caractéristique complémentaire à l'autonomie qui remplace, en réalité, l'aséité, est l'opacité ou, plus exactement, le caractère que le modèle procédural nomme " la disjonction des domaines du lecteur et de l'auteur". Cette disjonction crée une distance ontologique infinie, à travers l'œuvre, entre le lecteur et l'auteur, à proprement parler une " barrière de potentiel " infranchissable par l'intentionnalité de chaque acteur , de sorte que l'œuvre est perçue comme douée d'intentionnalité par le lecteur comme par l'auteur, mais pas pour les mêmes raisons.

Ainsi, opacité et autonomie reproduisent les conditions de la perception d'un être en soi, tout comme le permettent aséité et autonomie. Mais la différence est de taille ! la représentation ne disparaît pas mais glisse dans le leurre. Le leurre n'est pas lié à une stratégie d'écriture, il est une des contraintes contextuelles posées sur l'œuvre par le dispositif. C'est le propre des littératures " axées sur le dispositif " d'utiliser ces contraintes contextuelles comme matières premières de l'écriture. La production d'œuvres procédurales, c'est-à-dire qui travaillent sur les spécificités du dispositif procédural, est une littérature " axée sur le dispositif ". Dans ce contexte, l'exécution apparaît comme un processus d' " expression intentionnelle de l'être-en-soi pour l'autre" de l'œuvre au lecteur. Qu'est-ce, sinon une " présentation " de nature sacrée ? Cette présentation des événements observables, modalité artistique de la communication, agit comme une nouvelle modalité de la représentation sous la contrainte du leurre. Il s'agit bien d'une autre représentation que celle inscrite dans le programme. Le programme, en effet, dans sa forme procédurale, représente les conditions de génération, d'apparition, de cet état transitoire observable à l'exécution. Ces conditions mêmes, internes au programme, sont déjà, nous l'avons signalé, un niveau de représentation, que Jean-Pierre Balpe a qualifié de " méta-niveau " parce qu'il est distinct du niveau de représentation porté par l'état observable, dénommé transitoire observable ou événement observable dans le modèle procédural, état qui peut être lui-même un processus, comme c'est le cas en littérature animée. Toutes les présentations théoriques des diverses techniques d'écriture ont précisé en quoi, chez elles, la représentation portée par le programme différait de celle portée par le produit de l'exécution. C'est la différence fondamentale entre une écriture programmée, qui donc comporte au moins deux niveaux de représentation (nous verrons qu'elle en comporte en fait trois), et une écriture que je qualifie, un peu rapidement , de " vidéo " qui ne comporte pas de niveau de représentation équivalent à celui du programme, c'est-à-dire lié à un
" à faire ".

L'existence, en littérature programmée, de ce double niveau de représentation, l'un inscrit dans le programme, l'autre dans l'état produit, transforme ce dernier en leurre. Il est un leurre parce qu'il ne recouvre pas la totalité de la représentation et parce que l'opacité du dispositif empêche le lecteur d'atteindre la partie inobservable, ou, au moins, le gêne considérablement dans sa quête, voire l'aiguille sur de fausses pistes. Cette dernière possibilité est utilisée dans de nombreuses stratégies d'écritures. Le leurre est souvent considéré sous ses aspects négatifs et c'est d'ailleurs ce que reflète le vocabulaire que j'emploie dans des expressions comme " piège à lecteur " ou " esthétique de la frustration ". Mais sous cet aspect pernicieux se cache, à mon avis, une critique très profonde du rôle dévolu à l'artiste occidental, critique qui, par ricochet, dévie la lecture des attentes convenues du spectateur ou du lecteur.


3 La condition d'artiste.
3. 1 Je démontre des concepts.


Continuant sur la voie de la philosophie de bistrot, je pense que la fonction de l'artiste contemporain " classique ", celui qui est reconnu comme tel en occident, est bien formulée par Sotto lorsqu'il dit " je démontre des concepts ". L'artiste se définit en effet en tout premier lieu comme un producteur de concepts, d'où le poids surévalué de l'innovation dans l'art occidental, opposé à celui de la tradition. Mais ce n'est pas un simple producteur de concepts, ceux-ci doivent être eux-mêmes productifs, capables de générer des œuvres consommables. Second trait faisant enfler le poids de l'innovation : celle-ci doit se traduire dans une production abondante sans cesse renouvelée, de sorte que l'art accepte en son champ tout aussi bien les " petits " concepts que les " grands ". En art, tout est bon à prendre, tout " fait ventre ". Même la mort de l'art. L'art est foncièrement une " industrie " de consommation, en phase indécente avec son temps, indécence qui assure sa survie, même en l'absence de consistance économique. Le dynamisme de la littérature électronique est là pour en témoigner : non seulement il croît déjà au-delà de la survie, sans moyen économique, mais on peut raisonnablement estimer que cette littérature fera date, justement en ce qu'elle développe des concepts qui ne sont pas développés ailleurs. C'est un avis personnel, bien sûr, que je partage avec qui veut l'entendre.
Mais ce n'est pas tout. Non seulement le concept doit être novateur et consommable, mais il doit s'exprimer de façon perceptible à l'intérieur même de l'œuvre, exprimer notamment son caractère novateur. Cela est sans doute encore plus vrai aujourd'hui dans notre société de la communication : la communication par l'œuvre est avant tout communication de cette différence qui définit le caractère novateur, le spectateur ou le lecteur doit, dans son rapport à l'œuvre, être destinataire de cette différence. On pourrait donc ajouter l'implicite à la définition de Sotto et définir l'artiste contemporain occidental comme " celui qui démontre de façon perceptible des concepts novateurs".
En cela, la définition sous-jacante de l'artiste véhiculée par l'esthétique de la communication ne déroge pas à la règle générale. Comme " non producteur de concepts mais producteur d'événements propre à dévoiler notre dimension ultra-humaine ", cet artiste produit bien dans le champ de l'art un concept d'anti-artiste producteur d'objets consommables, les événements, perçus comme différents et novateurs puisque Mario Costa les présente comme des événements " d'un tout nouveau genre ".
La définition de l'artiste déduite de celle de Sotto peut dès lors utilement s'analyser sous la dichotomie du proche et du lointain, ce qui nous permettra de la mettre en relation avec les trois valeurs de l'œuvre que nous avons dégagées.


3. 2 L'œuvre déplacée et l'œuvre rituelle.


Le concept, en tant qu'il est novateur, est bien sûr " si loin " du sujet. " Démontrer ", consiste à comprendre par un cheminement logique ce qui, en somme, était déjà connu mais non compris. La démonstration ne crée jamais du neuf, seul le postulat crée du neuf. La démonstration est un mode particulier de compréhension, c'est-à-dire d'intériorisation, dit logique : chaque étape du cheminement doit apparaître comme du déjà-connu et en relation déjà-connue (vraie) avec toutes les étapes précédentes et l'ensemble de tout le reste du déjà-connu, savoir inutile pour le problème posé mais cohérent avec sa solution. C'est ce qu'on appelle la " cohérence " de la démonstration. Dans notre optique, chaque étape de la démonstration apparaît donc comme un " si proche ". Autrement dit, démontrer consiste à rendre " si proche " ce qui est " si loin " en utilisant une succession d'états " si proche ". C'est bien un mouvement de rapprochement ontologique. C'est pourquoi, au fond, cette formulation apparemment absurde et donc paradoxale qu'est " démontrer un concept " (un concept ne se démontre pas !) n'est en fait pas absurde du tout. Elle ne fait que dévoiler le sens profond de l'activité artistique contemporaine qui consiste à déplacer la production sur l'axe de Benjamin pour l'éloigner le plus possible de sa valeur cultuelle " initiale " (liée au caractère novateur) vers une valeur d'exposition consommable. L'artiste, dans cette optique, a pour vocation de rendre consommable le sacré, de le rapprocher du spectateur, et cela doit être perceptible dans l'œuvre elle-même. La démonstration, en effet, n'est qu'une suite d'énonciations de " si proches " qui rend bien perceptible, à chaque étape, cette proximité.
Appelons, par souci de simplification pour la suite, " œuvre déplacée " l'œuvre conçue selon ce schéma décrit par Walter benjamin. L'œuvre est " déplacée " parce qu'elle est portée par l'artiste vers le lecteur qui, lui, demeure un consommateur.
Le terme de démonstration est utilisé par Sotto à propos de l'artiste. Si nous avons pu l'appliquer au récepteur de l'œuvre, c'est que cette conception repose fondamentalement sur le présupposé culturel de la renaissance : l'artiste et le spectateur sont à la même position devant l'œuvre, ils sont côte à côte face au dispositif matériel de l'œuvre. Cela n'est pas vrai du tout dans le dispositif procédural, mais ce déplacement relatif des sujets est une conséquence directe de la nature communicationnelle du dispositif où les deux sujets se retrouvent face à face avec le dispositif matériel interposé entre eux comme le montrent toutes les théories de la communication depuis Shannon. Examinons donc les valeurs de l'oeuvre dans les dispositifs de communication.
A l'inverse de la conception précédente, l'artiste de l'esthétique de la communication, même s'il n'échappe pas à la condition de l'artiste occidental, ne réalise pas le rapprochement de l'œuvre vers le récepteur. Celle-ci demeure incommensurablement éloignée du spectateur, d'où la sensation du sublime qu'elle éveille chez lui. Cet artiste n'échappe pas pour autant à une relation au " sacré " de l'œuvre d'art. Mais autant, par la démonstration, une telle relation modifie la position de l'œuvre, autant, par la présentation, elle modifie celle du spectateur. En effet, la catégorisation de Mario Costa inverse celle de Walter Benjamin. Dans les écritures, on " présente à Dieu ". D'où la valeur cultuelle de l'œuvre conçue comme médiation d'un sacré quelconque chez Benjamin. Chez Mario Costa, on " présente au spectateur ". Le spectateur n'est pas Dieu, la différence relevée tenant à sa finitude et à la limitation de sa compréhension. C'est donc bien cette position sacrée donnée au spectateur qui lui permet de prendre conscience de la finitude de sa pensée, source du sentiment de sublime. Ainsi donc, la présentation est une modalité extrêmement puissante pour mettre en œuvre une " limite cognitive " chez le lecteur, limite perçue et ressentie par ce dernier. D'où une lecture inassouvie par rapport au mode de fonctionnement de l'œuvre déplacée. Appelons " œuvre rituelle " une œuvre qui place ainsi le spectateur, ou le lecteur, face à sa propre limitation.


4 La boucle récursive entre présentation et représentation, ou comment le proche et le loin ne sont ni proche ni loin.
4. 1 Présentation et représentation diffèrent.


On connaît parfaitement, maintenant, comment s'opère cette présentation dans les œuvres procédurales : au moyen des processus d'exécution et de la lecture des états transitoires observables, et on connaît la façon dont apparaît puis se résout cette limitation dans un certain nombre de cas de figures : développement spiral du lecteur modèle, esthétique de la frustration, méta-lecteur. Ainsi donc, l'œuvre procédurale utilise des techniques de présentation, ce qui engendre les effets, qu'elle utilise abondamment, pointés par Mario Costa, mais en préservant et assumant des modes de représentation.
Cette représentation peut porter sur plusieurs niveaux, elle dépend des auteurs. En tout état de cause, elle porte désormais sur deux fronts tout à fait distincts (puisque nous avons déjà traité la représentation en tant que modèle) : la représentation en tant que produit et celle en tant que processus.


4. 2 La représentation est présentation.


En tant que produit, la représentation se manifeste dans l'état transitoire observable de la même manière que dans un produit artistique classique.
À la différence près que ce produit n'est pas un objet, mais l'état transitoire d'un processus doué d'autonomie. Tout le leurre est là. Il est en grande partie responsable du côté inassouvie de la lecture en maintenant infiniment loin (donc à forte valeur de présentation) ce qui devrait être doué d'une forte valeur d'exposition. En fait, la valeur d'exposition du transitoire observable programmé tend vers zéro de par sa difficile (voire sa non) reproductibilité. Il est important de noter que ce leurre joue également sur le réflexe de consommation qu'il met à mal. C'est le cas dans le générateur automatique balpien qui vous dit " t'en veux encore ? j'en ai ; t'en veux plus ? j'en ai encore. " ou du poème à-lecture-unique qui annonce " tu veux revoir ? (Condition sine qua non de l'exposition : l'exposition est un permanent sans lequel nulle habitude ne peut s'installer) - impossible " ou du générateur adaptatif qui pourrait rétorquer " t'as pas vu la différence ? dommage ! " (en effet, la perception de la différence, mesure de l'habitude, est rendue difficile dans le générateur adaptatif puisqu'il nécessite des expositions répétées sur plusieurs machines). Le leurre, ainsi, simule la consommation du produit jusqu'à l'écœurement ou, a contrario, s'oppose farouchement à cette consommation. Ces deux modalités produisent le même effet : l'artiste, dans le dispositif procédural, continue bien à produire du concept consommable, mais à travers une production qui ne l'est pas et/ou qui, ne produisant pas de " différent apparent ", ne laisse pas facilement percevoir à travers l'œuvre la profondeur du concept. Ce second volet du leurre ne joue plus sur l'autonomie mais sur l'opacité. Ce n'est pas parce que le " texte généré " balpien ressemble à une page de roman imprimable qu'il est une page de roman. Ce n'est pas parce que mon texte-à-voir ressemble à un texte illustré animé qu'il est un texte illustré animé. En tant qu'état, le transitoire observable ne couvre pas la totalité de l'être-en-soi de l'œuvre. Cette autre partie passe par d'autres canaux, programme et processus et, parmi eux, la lecture considérée dans certains cas comme un signe interne de l'œuvre.
Finalement, le leurre permet d'inverser la donne. L'état transitoire observable se présente au lecteur comme représentation alors qu'il est également utilisé par l'auteur comme présentation. Donc, là où le lecteur attend une forte valeur d'exposition, il se retrouve face à une forte valeur de présentation qui peut lui donner le vertige, met en œuvre, en tous les cas, ses limites et peut lui laisser, éventuellement, percevoir cette mise en oeuvre . A lui de s'en débrouiller. Mais ces limites, parce que l'œuvre, finalement, dans sa totalité, est bien une représentation et non une présentation, sont utilisées comme composantes d'un " déjà dit " dans le projet de l'auteur. Ainsi, l'utilisation de la présentation comme modalité de la représentation, revient à faire jouer à la limite physique du lecteur la fonction sémiotique de représentation d'une limite. La limite physique est, dans l'œuvre, utilisée comme signe d'une autre limite inhérente au projet de l'auteur. Ce qui est trop loin (l'œuvre a forte valeur cultuelle) est faussement représenté par un trop près (l'œuvre a forte " fausse " valeur de présentation) pour mieux faire sentir un autre trop loin (l'œuvre a forte valeur de présentation). Mais cette autre limite, cet autre trop loin, n'est pas perceptible dans l'état transitoire observable parce que ce dernier agît comme une présentation. C'est en ce sens que le lecteur " n'est pas destinataire de l'œuvre " et que celle-ci reste non consommable. La théorie du méta-lecteur récemment esquissée à Morgantown et dont on trouvera le schéma fondamental sur le site de Transitoire Observable , explique comment fonctionne dans le système procédural le dédoublement kantien (l'appréhension progresse vers l'infini et la compréhension est rompue) rappelé par Mario Costa.


4. 3 En résulte un dédoublement de la lecture.


De par la modalité de la présentation, particulière à ce dispositif, le lecteur est celui qui appréhende, le méta-lecteur celui qui comprend. Mais cette compréhension, limitée par la valeur de présentation du transitoire observable, ne peut totalement passer par une opération de lecture. J'avais signalé cette particularité en indiquant que les deux fonctions traditionnelles de la lecture : analyse et lecture affective, étaient désolidarisées dans l'œuvre programmée dans ce dispositif. La lecture affective repose sur une certaine construction du sens, plus instinctive que réfléchie, celle du niveau de représentation portée par le transitoire observable perçu comme produit artistique. C'est cette construction du sens, en tout cas, que je demande au lecteur.
L'analyse repose sur l'observation objective et ne peut être effectuée que par le méta-lecteur, dans une observation transversale de l'œuvre, qui bénéficie, à la fois, de l'observation de la lecture d'un lecteur autre, mais également de tout l'appareillage discursif construit autour du projet ou de l'œuvre et dont cet article fait partie. La compréhension finale ne vient pas de l'intérieur de l'œuvre, qui procure au contraire une expérience des limites, mais d'un extérieur qui s'appuie sur l'œuvre. La méta-lecture n'est pas la double lecture (le lecteur lisant sa propre activité de lecture), ni le pendant du méta-auteur balpien.
La lecture affective est une lecture parce qu'elle est également une construction de sens qui s'appuie sur les éléments observables de l'œuvre. Cette construction, comme toute construction de sens, participe à la sémiose en initiant des actions de la part du lecteur, soit en cours de lecture, soit ultérieurement. Mais elle fonctionne de façon très différente de la lecture analytique : par résonnance. Dans cette lecture, les axes loin/proche et même/différent se désolidarisent. Le lointain est perçu comme proche par la " résonnance " tout en demeurant différent. Elle fonctionne donc, d'une certaine façon, en shuntant le niveau de la raison. Le sens ainsi créé n'a d'ailleurs pas besoin d'être formulé, il demeure souvent une impression, " un état d'âme ". C'est pourquoi cette lecture désublime l'œuvre tout en en reconnaissant l'altérité et, par là, en diminue la valeur de présentation. Par cette prédominence du lointain qu'elle préserve, elle diminue également la valeur d'exposition de l'œuvre et en augmente la valeur cultuelle. Par cette lecture, l'œuvre apparaît au lecteur comme un " pour moi " ou même un " de moi " : il peut légitimement en revendiquer la paternité ( !). Ce paradoxe est rendu possible parce que la lecture affective n'opère plus sur l'axe de Benjamin. Le lecteur est tout d'abord le récepteur de l'œuvre (" l'œuvre pour moi ") avant de la réintégrer dans sa propre construction (" l'œuvre de moi ") qui pourra au besoin se traduire par une intertextualité ou une réécriture. Jean-Pierre Balpe, dans les hypothèses son ouvrage contexte de l'art numérique, explique le fonctionnement de cette appropriation/expropriation. Ainsi donc, si le contexte du leurre rend incertain et parfois même, largement impossible une lecture analytique, il n'agît en aucune façon sur une lecture affective. C'est ce point essentiel qui permet de sauvegarder une lecture " aussi bénéfique pour le lecteur " qu'une lecture classique, tout en jouant pourtant sur des échecs de lecture. Ces deux mouvements contradictoires ne jouent pas sur les mêmes modalités de lecture.
Si on suit les conceptions développées, de façon différente d'ailleurs, par Abraham Moles et Jean-Pierre Balpe, on peut distinguer dans un signe deux sortes d'informations : l'information sémantique, celle qu'on considère habituellement comme seule interprétable, celle qui est visée dans le signe commun, et l'information esthétique. Cette dernière est liée à la " modalité " sémantique du signe, c'est-à-dire à la façon dont le signe " porte " son sémantisme. C'est une information pré-sémantique. Abraham Moles, dans le vocabulaire de l'esthétique variationnelle dominante à l'époque de sa réflexion sur le sujet, la relie aux variations du signal porteur de sémantique, Jean-Pierre Balpe l'élargit à toutes les caractéristiques de ce signal, en laissant d'ailleurs la porte ouverte à des signes d'un type nouveau comme le signe-processus que je préconise, puisqu'il parle de " phénomène " et non de
signal . On comprend mieux, dès lors, la différence de fonctionnement de ces deux types de lecture . La lecture analytique ne peut s'appuyer que sur l'information sémantique pour construire du sens. Le sens qu'elle construit est un sens énoncé ou, tout au moins, énonçable. La lecture affective peut tout aussi bien s'appuyer sur l'information esthétique, ce qu'elle fait en priorité, que sur l'information sémantique qu'elle n'invoque qu'" en tant que de besoin ". C'est-à-dire qu'elle ne procède jamais à partir de l'information sémantique, cette dernière n'étant là que pour apporter un niveau d'énonciation au sens intuitif construit. C'est pourquoi l'information sémantique traitée par cette lecture, peut sans dommage pour la lecture s'avérer tronquée, incomplète, détournée ou fausse par rapport au jeu relationnel sémantique complet du message total. La lecture affective préserve une certaine compréhension, peut réclamer une certaine analyse, mais cette compréhension est limitée, voire fausse, par rapport à celle déduite dans la méta-lecture. Le lecteur " affectif " n'est pas un décervelé, mais il se trompe lourdement s'il s'imagine que sa compréhension a tant soit peu à voir avec l'information sémantique portée par les autres niveaux de représentation.

4. 4 La présentation est représentation.


Ainsi, l'interprétation de l'œuvre procédurale n'échappe pas seulement au lecteur parce que de toujours-nouveaux parcours seraient possibles dans l'univers clos de signes de l'œuvre, situation exprimée dans la sémiotique de Peirce et d'Eco, mais parce qu'une partie de l'univers des signes utiles à cette interprétation lui est interdit dans l'œuvre alors qu'elle ne l'est pas au méta-lecteur. Pourtant lecteur et méta-lecteur ne peuvent jamais être confondus parce qu'un de ses signes qui échappent à la lecture est justement le processus de lecture lui-même, position que ne peut tenir le méta-lecteur. En clair, le lecteur ne peut être lecteur " que de sa lecture " et le méta-lecteur ne peut " lire " que " la lecture d'un autre ". Il convient, encore une fois, de distinguer méta-lecture et double lecture. Cette distinction est bien perceptible dans la récursivité de la boucle complexe de lecture, celle qui considère que la présentation est représentation ou, pour utiliser un langage symétrique de la discussion précédente, qu'une représentation est modalité dans la présentation.
Les processus de l'œuvre sont bien des éléments de la représentation alors qu'ils sont dans l'esthétique de la communication des éléments de la présentation. Ici aussi, il y a inversion de la donne. Cette inversion permet de ne pas mettre le lecteur au centre de l'œuvre contrairement à ce qui se passe en esthétique de la communication. Le lecteur est, parce que partie prenante d'une représentation, interne au dispositif technique de cette représentation. C'est ce qui permet au processus de lecture de se constituer signe dans cette représentation, alors qu'elle est la modalité de " l'accueil " dans la présentation du transitoire observable. Sans ce retournement, il ne saurait y avoir de double lecture. Or la double lecture fait partie de nombreuses stratégies d'écritures en littérature électronique.
5 Conclusion : le lecteur comme enjeu.
Il convient maintenant de rapprocher état transitoire observable et processus en cours, notamment la lecture. Le transitoire observable étant présentation, c'est par la lecture que celle-ci opère côté lecteur . Or, ce processus de lecture étant représentation, la modalité de la présentation, la lecture physique, n'est pas une simple opération technique, qui serait équivalente au fait de tourner la page. Cette lecture activant, en tant que modalité d'une présentation éventuellement génératrice d'un sentiment de sublime, une limitation physique de la compréhension du lecteur, et cette lecture étant par ailleurs considérée comme signe par un méta-lecteur, cette limitation de la compréhension est bien utilisée comme signe d'une autre limitation qu'elle représente et qui concerne l'individu lecteur. La boucle est bouclée. Mais avec un incroyable déplacement des rôles : le lecteur n'est plus, par sa lecture, le destinataire de l'œuvre, il œuvre sans statut de co-auteur en tant qu'effecteur d'une partie de la représentation dès lors que les deux pôles de la lecture (lecture affective/lecture analytique) sont dissociés. Il demeure pourtant destinataire du transitoire observable. L'œuvre n'est donc plus consommable, même si le concept inventé par l'artiste le demeure. Cette œuvre cessant d'être consommable , voire, pire, cessant de présenter ouvertement sa différence, l'artiste ne peut que se retrouver en rupture de la voie tracée par ses éminents anciens.