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A
propos de « Bulbus-Muscari »
Je propose de considérer
cette œuvre numérique du seul point de vue du lecteur c’est-à-dire
de qui l’aborde sans rien connaître des dispositifs techniques
intervenant dans sa production. Il s’girait de noter ici des réactions de lecteur-amateur dans le but de distinguer quelques traits caractéristiques de cette production numérique pour écran considérée comme œuvre poétique. Une machine de poésie « fragment d’Apicius : la leçon d’amour », annonce l’auteur est une « machine de poésie », qui explore poétiquement un extrait d’une recette de cuisine : « cuit à l’eau pour ceux qui cherchent l’huis de l’amour, ou au repas comme pour de justes noces, mais aussi avec des pignons et du suc de roquette et du poivre ». Nous sommes très explicitement prévenus, une collection de poèmes sera constituée en ne puisant que dans cette réserve d’une vingtaine de mots. (On peut remarquer que ce fragment de recette est loin d’être purement informatif où figurent des mots tels que huis, amour, noces. De plus les noms Apicius, bulbus, mascari semblent installer un espace qui irait du très ancien latin jusqu’aux langages de programmation contemporains supposés intervenir nécessairement ici.) Un atelier Plus que d’une
« machine de poésie » j’ai l’impression
de pénétrer dans un atelier où fonctionneraient 12
machines portant les étiquettes muscari.1. à muscari.12.
chaque étiquette pouvant désigner l’une quelconque
des machines. Trait 1. Doute initial et permanent du lecteur, besoin de vérifier mais quoi ? Les murs de cet atelier, l’écran, sont des cimaises où s’accrochent une collection presque infinie de poèmes apparaissant tantôt comme des tableaux plus ou moins abstraits produits par les machines, tantôt comme des notations chorales invitant à inventer un accompagnement sonore. A coup de clics répétés sur la souris, je déclenche et entretiens le fonctionnement de chaque machine. Exemple de périple au travers de l’œuvre, d’une machine à l’autre. muscari.I. Le mécanisme
de production du poème paraît difficile à repérer,
mes vérifications échouent. Trait 2. « Devenir étranger dans sa propre langue. » Gilles Deleuze /
Dialogues :« Il s’agit de faire bouger la langue…de
parler la langue comme si l’on était un étranger,
il s’agit d’être un étranger dans sa propre langue
(p73). Il y a donc plusieurs langues dans une langue, en même temps
que toutes sortes de flux dans les contenus émis, conjugués,
continués... Toute langue est tellement bilingue en elle-même,
multilingue en elle-même, qu’on peut bégayer dans sa
propre langue (p138, 139) ». Il y a, en effet, une permanente ambiance langagière. Et d’abord le langage de programmation, tout inconnu qu’il est, est sous-entendu : un incessant murmure inaudible. Car un programme est toujours là, sous le poème, invisible, illisible mais actif. Il est de l’autre côté, symétrique du poème par rapport à l’écran. Au dos du texte. Il n’y a pas, comme avec le livre, un couple [auteur-lecteur] mais un trio [auteur-programme-lecteur], d’où une considérable diminution de la distance auteur/lecteur. Tous deux sont placés d’un même côté par rapport au programme et l’œuvre n’existe que si le lecteur le décide. Trait 3. Diminution de la distance lecteur/auteur. muscari. II. et X. On peut remarquer en passant que des mots de la langue française (aux accents près) tels que ecu, rape, amis, assis, misa, mi, sa viennent s’intercaler comme pour fournir du sens à leurs voisins. Trait 4. Métaphores visuelles. Trait 5. Destruction/contagion du sens. muscari XII. Trait 6. Mots camouflés, lecture retardée. Il faut revenir sur
un évènement répétitif en liaison directe
avec la question du temps : chaque clic de la souris déclenche
en effet une précipitation de mots et de phrases beaucoup trop
rapide pour que la moindre lecture soit possible. Jusqu’à
ce qu’un texte-image s’installe. Trait 7. Déclic photographique / clic informatique : temps déclenché. Temps d’une précipitation, temps d’une lecture, temps d’une appropriation ou d’une fuite. muscari IV. ct l’eau pur
cx q chrchnt l’hs d’ l’mur, u rpas Chaque poème
est l’éclaté d’un élément de la
machine. Trait 8. Poème comme éclaté d’un texte virtuel. muscari II. in isi pisi ogningip on gigoin ino igopin isi pisi ogninognin oppip in ippig ognininnis ognin issog inin isi pisi ogninognin pisi isi in ip osi posi ispiggo sig gisoos ini ogigip osi posi ispigispig igsop ip ognos ispigongog ispig inson ipip osi posi ispigispig posi osi ip ip ono pisi isnogpo son poniop opo inipip ono pisi isnogisnog ispog ip ipnis isnogingon isnog ispos ipip ono pisi isnogisnog pisi ono ip L’étroite
ressemblance entre les textes fournis à chaque pression sur le
bouton laisse penser qu’il s’agit de trois vues d’un
même texte. Ici il est possible d’apercevoir un autre texte,
un texte invisible, un texte qu’on ne peut pas lire. Trait 9. Poème en mouvement. Poésie (comme art) cinétique. A noter encore que
les « ip », « os », « og », «
sig », « isi »…reviennent comme les notes d’une
partition. Mais aussi les échos des sons en « o »,
les modulations, les retours rythmiques, les variations évoquent
les improvisations du jazz sur un thème inconnu du lecteur tout
près de devenir auditeur. On peut se demander si une lecture à
haute voix ne pourrait être fournie au lecteur qui en exprimerait
le besoin. Trait 10. Le poème comme projet sonore.
LM février 2008 |
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